Dans le box des prévenus, Sofiane Latrèche,
19 ans, sans emploi, hésite. Une magistrate vient de
lui demander pourquoi, avec ses amis, il a roué de
coups deux homosexuels sur un parking de Saint-Germain-en-Laye
(Yvelines) dans la nuit du 14 août. Des coups de poing,
d'abord, puis des coups de pied, très nombreux : la
principale victime s'est vu reconnaître trente et un
jours d'interruption temporaire de travail (ITT) pour des
contusions, un nez cassé, des dents brisées,
des douleurs au cou, au dos, à la cuisse, aux côtes.
Un long silence et Sofiane Latrèche bredouille une
explication devant le tribunal de Versailles, qui jugeait,
jeudi 16 août, en comparution immédiate, deux
des trois agresseurs présumés : "On a pris
peur... On croyait qu'ils voulaient nous toucher parce que
c'est des homos."
Avec
ses amis - trois hommes et deux jeunes filles - il revenait,
en voiture, de la Fête des Loges, à Saint-Germain-en-Laye.
Sur la route du retour, le groupe décide de s'arrêter
sur un parking, à l'étang du Corra, un lieu
connu pour servir de point de rencontres homosexuelles. Ils
aperçoivent un couple d'"homos" dans une
voiture. Trois des quatre hommes s'approchent d'eux, les insultent,
puis les frappent. Dans la mêlée, une des deux
victimes réussit à s'enfuir et à prévenir
une patrouille de police qui passe à proximité.
"Pourquoi
venez-vous agresser ces deux personnes ?", demande la
présidente, Sophie Potocki.
-
On était un peu remontés. Il y avait eu des
petites disputes entre nous... Donc, dès qu'on a vu
les homos, ça nous a chauffés, c'est venu comme
ça, répond Sofiane Latrèche.
-
Comment vous saviez que c'étaient des homosexuels ?
-
Là-bas, il y a que ça.
-
Vous dites que ça vous a chauffés. Qu'est-ce
que vous pensez des homosexuels ?
-
Rien (un silence). C'est leur problème si c'est des
homos (silence). Je sais pas quoi répondre (silence).
J'aime pas les homos par rapport à ce qu'ils font entre
eux. Ça me dégoûte, moi.
-
Qu'est-ce qui vous dégoûte ?
-
(silence) Qu'ils se touchent entre eux."
Sofiane
Latrèche n'avait pas bu d'alcool. Ce qui n'était
pas le cas de l'autre prévenu, Laurent Piedboeuf, 33
ans, RMiste, qui avait consommé une quantité
importante de vodka. La principale victime l'accuse d'avoir
été le premier à le frapper. A l'audience,
il réfute avoir porté des coups. Mais, pendant
sa garde à vue, il a d'abord affirmé qu'il ne
se souvenait pas. Puis ce père de deux enfants, bientôt
trois, a lâché devant les enquêteurs :
"Si je l'ai tapé, c'est qu'il a dû se passer
quelque chose."
La
Caisse primaire d'assurance-maladie (CPA) n'ayant pas été
avertie de l'audience, pour pouvoir demander le remboursement
des frais médicaux aux auteurs de violences, le jugement
a été renvoyé au 21 septembre. Les deux
prévenus ont été placés en détention
provisoire. Le troisième agresseur, mineur, sera présenté
devant un juge pour enfants.
Luc
Bronner