AUBERVILLIERS
Le camp de la Maladrerie évacué
Julien Duffé
vendredi 07 septembre 2007 | Le Parisien
LE COMMISSARIAT d'Aubervilliers avait informé les squatters
d'une opération imminente dans la nuit de mercredi
à jeudi. Hier matin, aux aurores, la police a procédé
à l'expulsion de la centaine de personnes qui campaient
depuis deux mois dans le quartier de la Maladrerie. Un campement
symbolique pour ces squatters de logements sociaux menacés
d'expulsion qui réclament un logement pour tous.
Mais plus que ce démantèlement ordonné
lundi par le tribunal de Bobigny, c'est la visite éclair
de la secrétaire d'Etat aux Droits de l'homme, Rama
Yade, qui a créé la surprise et suscité
une belle polémique.
A 7 h 25, les squatters dorment encore quand une soixantaine
de CRS et de policiers se postent discrètement de part
et d'autre du campement. Quelques têtes ensommeillées
sortent dans un bruit de fermeture éclair. Très
vite, les policiers démontent les tentes. Dans leur
sillage, des déménageurs traînent jusqu'à
deux camions des toiles délavées et des matelas
en mousse. L'ambiance s'échauffe. « Vous n'avez
pas honte ! » tonne Lacine Koné, le délégué
du camp. Une mêlée se forme, des projectiles
volent. Trois hommes et deux femmes, dont l'une accompagnée
d'un bébé de 4 mois, sont interpellés
pour outrage, rébellion et violences sur agent de la
force publique. Placés en garde à vue, tous
sont libérés à 15 heures.
La venue de Rama Yade crée la polémique
Le sous-préfet de Saint-Denis, Olivier Dubaut, venu
en personne superviser les opérations, est violemment
pris à partie par les squatters. « Vous êtes
méchant : ce n'est pas humain ce que vous faites. »
Bras croisés, le sous-préfet répète
inlassablement les mêmes arguments. « En France,
les décisions de justice s'appliquent. Il n'y a que
quatre familles qui ont été expulsées,
les autres ne l'ont pas été : qu'elles retournent
dans leurs appartements. » De vifs échanges sous
le regard apeuré des enfants, qui, à cette heure,
sont en route pour l'école voisine.
A 10 heures, au prix de quelques échauffourées,
les policiers font place nette et quittent le parvis aussitôt
réinvesti par les squatters qui montent à la
hâte une tente de fortune.
A 11 heures, coup de théâtre. De retour d'Asnières
(Hauts-de-Seine), la secrétaire d'Etat aux Droits de
l'homme, Rama Yade, décide de faire un crochet par
Aubervilliers afin de rencontrer les squatters. La visite
ne dure qu'un quart d'heure mais suffit à créer
la polémique. Venue « dans le but d'arranger
les choses et d'entamer une démarche de dialogue »,
elle rencontre les squatters, prend quelques numéros
de téléphone et s'étonne ouvertement
que l'expulsion ait été demandée par
une mairie communiste, suggérant au maire d'entamer
le dialogue.
La réponse ne se fait pas attendre. Estimant ne pas
avoir de « leçon d'humanité et de solidarité
à recevoir de l'actuel gouvernement », Pascal
Beaudet suggère à son tour à Rama Yade
d'organiser une table ronde à la préfecture
de Seine-Saint-Denis « afin de rechercher les solutions
d'hébergement d'urgence et de relogement hors Aubervilliers
des familles qu'elle prétend soutenir ». Le député
socialiste Daniel Goldberg propose, lui, d'organiser une table
ronde avec les communes d'Ile-de-France qui se situent bien
en deçà des 20 % de logements sociaux prévus
par la loi, comme Le Raincy ou Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).
Hier, aucune solution de relogement n'était parvenue
aux familles, qui envisageaient de dresser un nouveau camp
(lire ci-dessous).