Les
mineurs en groupe interdits de séjour à Montfermeil
Angélique Négroni
25 avril 2006, (Rubrique France)
Délinquance
: Un arrêté municipal empêche le déplacement
de plus de trois jeunes, le jour et la nuit, dans le centre-ville de
cette commune de Seine-Saint-Denis.
AVEC
SES ARTÈRES commerçantes et ses quartiers pavillonnaires,
le centre-ville de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, offre une image
des plus tranquilles. Ce sont pourtant huit de ses rues qui sont aujourd'hui
concernées par un récent arrêté municipal
qui, depuis le 7 avril, fait interdiction aux mineurs, de 15 à
18 ans, de s'y déplacer à plus de trois, de jour comme
de nuit jusqu'au 30 juin, sous peine d'être interpellé
et de se voir infliger une amende de 38 euros.
Tel est le moyen trouvé par le maire, Xavier Lemoine (UMP), pour
tenter de mettre un terme à une délinquance des mineurs
qui, selon lui, a littéralement explosé dans sa ville.
«Une augmentation de 600% des vols avec violence : voilà
ce à quoi nous devons faire face. Dernièrement une femme
a été agressée et a eu les poignets cassés,
un vieil lard a été roué de coups. C'est inadmissible»,
s'insurge-t-il en estimant que ce déchaînement de violence
est la conséquence directe des émeutes de novembre dernier.
«Les jeunes se lâchent parce qu'ils savent qu'ils ne risquent
rien», poursuit le maire qui vise par son arrêté
une catégorie précise de sa population. «Ceux qui,
dit-il, habitent trois cités de la commune et qui viennent à
plusieurs en ville pour commettre leurs méfaits.»
Or, en centre-ville, cette mesure est diversement appréciée
par les habitants. «On voudrait que les violences urbaines redémarrent,
on ne s'y prendrait pas autrement», s'emporte une boulangère.
«Le maire se prend pour un shérif. Il impose des décisions
sans concertation», s'agace Serge, un habitant. A l'inverse, au
sein du personnel du magasin Lidl, dont le parking est un lieu de rassemblement
des jeunes, on se dit favorable à l'arrêté. «Lorsqu'ils
déchargent leur chariot, les clients se font voler leurs effets.
On compte deux à trois agressions par jour. Il faut que ça
cesse», raconte un des agents de sécurité. Or, d'après
Franck Denion, chef de la police municipale, la violence aurait déjà
reculé : «Dans le collimateur, les jeunes se sont calmés
d'eux-mêmes, sans même qu'il ait été nécessaire
de procéder à une seule interpellation et d'infliger une
seule amende .»
Un quartier mis en ébullition
Mais l'initiative du maire a littéralement mis en ébullition
le quartier sensible des Bosquets où les plus grands, plantés
devant des cages d'escalier, parlent à la place des petits frères.
«Ce que fait le maire, c'est du délit de sale gueule»,
dénonce Mourad tandis que pour Djamel un cap supplémentaire
a été franchi. «On n'est pas au zoo comme à
Thoiry ! Or le maire veut nous empêcher de bouger.» Une
remarque qui va dans le sens de ce que dénonce le Mouvement des
jeunes socialistes (MJS). «Cette mesure est attentatoire aux libertés.
Le groupe est vu par le maire comme le début de la délinquance
alors qu'il représente la sociabilité», explique
son secrétaire national qui devrait déposer dès
cette semaine un recours pour excès de pouvoir. Le MJS compte
organiser demain un rassemblement de jeunes de Montfermeil devant la
mairie.