Le Parisien - Gaëtane Bossaert - vendredi 25 janvier
2008
L. Pinault-Valencienne,
la fille du grand industriel français, était
jugée hier à Nanterre avec son compagnon pour
avoir indûment touché le RMI pendant des années.
Ils ont été condamnés à 8 mois
de prison avec sursis et 25 000 € d'amende chacun.
DES MILLIONS d'euros de patrimoine et de capitaux placés,
et un RMI, le revenu minimum d'insertion, qui tombe tous les
mois, pendant six ans. L'escroquerie est reprochée
à Laurence Pinault-Valencienne, 42 ans, fille du capitaine
d'industrie français, et à son compagnon, Adda
Osmani, animateur radio de 38 ans.
Hier soir, la quinzième chambre du tribunal correctionnel
de Nanterre a condamné le couple à huit mois
d'emprisonnement avec sursis, et 25 000 € d'amende chacun.
Doublant les réquisitions du ministère public,
les juges ont dit leur irritation face au « comportement
inadmissible et insupportable » des prévenus.
Les avocats de la défense ont annoncé leur intention
de faire appel.
«
On ne peut pas constamment se réfugier derrière
papa »
La justice
reprochait à Adda Osmani d'avoir indûment perçu
plus de 40 000 € de revenu minimum d'insertion, entre
février 1999 et mai 2005. A l'époque, ce jeune
homme avait quitté le Val-de-Marne pour s'installer
à Boulogne (Hauts-de-Seine), chez sa compagne, avec
qui il venait d'avoir un enfant. Intermittent du spectacle,
il perçoit le RMI : « C'était pour avoir
une couverture sociale, en cas de problème de santé...
Je gagne 70 € par mois en animant deux émissions
radios », évoque-t-il d'un ton poli. Mais lorsque
son dossier le suit dans les Hauts-de-Seine, il est joint
à celui de sa compagne, connue de la CAF parce que
jeune maman. Tous deux signent alors, chaque trimestre, une
déclaration destinée à la CAF qui ne
mentionne que les maigres revenus d'Adda Osmani. Et tous deux
perçoivent une allocation de quelque 600 € mensuels,
en tant que « couple sans ressources avec enfant ».
« Sans ressources » n'est évidemment pas
le terme qui qualifie le mieux la situation de Laurence Pinault-Valencienne,
plusieurs fois assujettie à l'impôt sur la fortune,
et poursuivie pour « complicité ».
Un bref
examen des comptes en banque de la riche héritière
ne la mettait pas en position de percevoir une allocation
clairement dédiée aux plus démunis. Le
tribunal évoque un patrimoine immobilier « objectivement
conséquent », et un compte bancaire courant qui
a vu circuler 650 000 € de capitaux, entre 1998 et 2005.
Manifestement, la fille laisse à son père le
soin de gérer sa fortune. Et ne s'intéresse
guère à la gestion de ses comptes. « Vous
n'avez pas de prise directe sur ce que vous possédez
? » interroge la présidente, Isabelle Prévost-Desprez.
« Non... » murmure la prévenue. «
Il y a un mandat de gestion ? Vous ne savez pas ? »
« Euh, non... » Le banc de la partie civile s'impatiente
: « On ne peut pas constamment se réfugier derrière
papa, il faut devenir adulte », râle l'avocate
de la CAF des Hauts-de-Seine.
«
Je n'ai pas ouvert de dossier RMI, je ne l'ai jamais demandé
»
Petite
blonde toute menue, Laurence Pinault-Valencienne plaide l'ignorance
: « Je ne connaissais pas tous les tenants et aboutissants
du RMI, assure-t-elle d'une voix plaintive. Adda m'avait dit
de signer ces papiers pour la CAF, il avait l'air sûr
de lui... Je n'aurais jamais signé si j'avais su que
ce RMI m'était attribué ! Je n'ai pas ouvert
de dossier RMI, je ne l'ai jamais demandé »,
assure-t-elle. « Vous ne l'avez pas demandé,
mais vous l'avez perçu », rectifie la présidente.
« Vous avez signé, quatre fois par an pendant
six ans, un document extrêmement basique où il
n'y avait rien de mentionné devant revenus de madame
», insiste la procureur. Me Béranger Tourné
tient la barre : sa cliente n'a « jamais eu d'intention
frauduleuse ». « Je ne trouve pas une seule raison
objective pour qu'elle ne déclare pas la réalité
de son patrimoine », martèle l'avocat.
C'est
un reportage de France 3, diffusé en novembre 2006,
qui avait mis le feu aux poudres. Celui-ci révélait
un rapport d'enquête confidentiel émanant de
la CAF des Hauts-de-Seine, qui mettait en lumière la
situation pour le moins incongrue de Laurence Pinault-Valencienne.
La plainte alors déposée par la CAF pour vol
et violation du secret professionnel avait lancé l'enquête.
Aujourd'hui, l'héritière a remboursé
deux ans d'allocations indues, soit 14 000 €. Le conseil
général, à qui incombe la gestion du
RMI, n'a pas souhaité porter plainte.
http://www.leparisien.fr/home/info/faitsdivers/articles/LA-MILLIONNAIRE-CONDAMNEE-POUR-AVOIR-PER%C7U-SIX-ANS-DE-RMI_296001656