Jean-Marie Le Pen adoucit le ton sans rien céder sur son programme


LE MONDE | 13.02.07 | 14h30 • Mis à jour le 13.02.07 | 14h30

Satisfait. Au sortir du plateau de l'émission "J'ai une question à vous poser" de TF1, lundi 12 février au soir, Jean-Marie Le Pen s'est montré satisfait de sa prestation. "J'avais peur des petites questions personnelles mais j'ai trouvé que l'échange était courtois et noté une très grande attention du public", a-t-il commenté, en ajoutant : "Je crois avoir passé l'examen avec succès !". Il n'a, il est vrai, jamais été mis en difficulté par les questions des invités qui abordaient souvent le racisme et s'inquiétaient du sort des immigrés si d'aventure il accédait à la présidence de la République.

Comme il l'avait fait pour l'émission "A vous de juger", diffusée, jeudi 8 février, sur France 2, M. Le Pen avait consacré une partie de la matinée du lundi à préparer ce nouveau magazine politique de TF1. Marine Le Pen, directrice stratégique de la campagne, Philippe Péninque, consultant, ancien responsable du GUD, mouvement extrémiste étudiant, qui, depuis plus d'un an, prodigue ses conseils à Marine Le Pen et son père, et Olivier Martinelli, le directeur de cabinet du président du Front national sont venus à Montretout, la villa de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), où se trouve son bureau, son cabinet et son secrétariat, pour un court média-training.

Pas question de fatiguer outre mesure le candidat à l'élection présidentielle qui, la veille, était à Nantes (Loire-Atlantique) pour un "banquet patriotique". L'équipe s'en est tenue aux questions qui, à son avis, pouvaient être abordées sur l'immigration, l'économie et le social. L'objectif ? Distiller des éléments programmatiques destinés à montrer que le FN est devenu un parti de gouvernement et surtout aider le candidat à montrer qu'il s'est "assagi", en répondant sur un ton "apaisé" aux questions les plus dérangeantes.

Lors de séances précédentes - auxquelles ont parfois participé, Louis Aliot, le secrétaire général du parti, Alain Soral, auteur d'ouvrages misogynes et homophobes, ancien militant du parti communiste, aujourd'hui caution de gauche du FN, et Jean-François Touzé, responsable du pôle idées-images, tombé récemment en disgrâce au sein de l'équipe de Marine Le Pen pour avoir milité en faveur d'une meilleure visibilité de Bruno Mégret au sein de l'Union patriotique - une attention particulière a été portée aux tics d'expression de Jean-Marie Le Pen. Des conseils lui ont été prodigués par sa fille pour se défaire de la véhémence avec laquelle il répond souvent à ses interlocuteurs ou pour veiller à moins "durcir" son visage et ne plus froncer les sourcils lorsqu'il écoute les questions.

Si le président du FN fait dorénavant patte de velours, c'est pour mieux faire passer ce qui continue à être son fond de commerce et celui du parti : un nationalisme exacerbé basé sur la préférence nationale, une politique établissant une discrimination entre les Français et les travailleurs étrangers. M. Le Pen n'oublie jamais qu'il est à la tête d'un mouvement où se retrouvent, sur ces fondamentaux, des catholiques traditionalistes et des païens, des jacobins et des régionalistes, des royalistes et des républicains, d'anciens pétainistes et des résistants. Lors de ses interventions, il s'attache à donner des gages aux uns et aux autres. Si, lundi soir, il a consenti à mettre de l'eau dans son vin en expliquant, comme le souhaite sa fille, que la règle de "l'immigration zéro" voulue jusqu'à présent par le FN "accepte des exceptions", il a montré sa volonté de juguler ce qu'il décrit comme "la vague déferlante qui nous submerge". De même, s'il se défend de racisme, il justifie les propriétaires qui "victimes de dégradations" sélectionnent au faciès leurs futurs locataires...

Un même équilibre est respecté dans les discours. Contrairement à la plupart des hommes politiques, M. Le Pen n'a pas une plume mais plusieurs à son service. Parmi elles, Marine Le Pen qui a écrit une bonne partie du discours sur la justice prononcé à Bordeaux, et inspiré, avec MM. Soral et Péninque, celui de la première convention présidentielle, en octobre, et celui de Valmy (Marne) sur la République et la nation. Jean-Claude Martinez, conseillé spécial de M. Le Pen a contribué à la rédaction de la prestation sur l'agriculture et Michel Hubault à celle sur l'écologie. Certains envoient des notes au directeur de cabinet qui se charge de faire la synthèse, mais beaucoup, notamment des personnalités extérieures dont l'anonymat est jalousement gardé, s'adressent au président du FN qui travaille sur le canevas proposé par M. Martinelli.

Ces apports multiples donnent parfois un effet patchwork aux interventions, avec des ruptures de style. On note des approches différentes d'un discours à l'autre. Ainsi, dans son intervention en Corse, M. Le Pen a fustigé la notion de "citoyen" coupable de "définir les collectivités humaines comme des communautés de destin plutôt que de culture" alors qu'à Valmy il a porté aux nues cette même notion qu'il rattache, cette fois, "à la patrie" !

Christiane Chombeau
Article paru dans l'édition du 14.02.07.